CHEMIN ADRIEN VERMUGHEN

Depuis 2015, les élèves du collège Saint-Louis rédigent des cartes de voeux pour remercier les vétérans britanniques de la Seconde Guerre mondiale. Dans sa réponse, Frederick Glover, parachutiste du 9e bataillon de la 6e Airborne, évoquait un homme, Adrien Vermughen, qu’il qualifiait de héros. Après recherche, les élèves de la classe défense, en lien avec les associations patriotiques ont réussi à décrypter son histoire, identifier sa tombe à Cabourg et l’emplacement de sa ferme, celle-ci se trouvait à quelques centaines de mètres du collège. Avec le soutien de la Ville de Cabourg et par décision du Conseil Municipal en date du 12 février 2024, son nom est donné au chemin communal de l’entrée des marais. Un hommage est rendu à Adrien Vermughen le 25 mars 2024.

Adrien Vermughen, un héros cabourgeais de la résistance ?

Adrien Vermughen, né le 15 mai 1906 à Beuvron-en-Auge dans le Calvados, était un cultivateur qui habitait dans le bas de Cabourg, au bord des marais de Varaville. Il occupait la ferme avec sa femme Yvonne et ses deux filles Jacqueline et Monique ainsi que leur chien Moustique. Georges Duval, vacher, était employé à la ferme.

La ferme, un lieu de refuge pour les alliés

La ferme de « la Bergerie », était située à proximité de la Divette et entourée de canaux d’irrigation, aujourd’hui à proximité du California Park et du Karting de Cabourg. Elle était composée de 9 bâtiments sur un terrain d’environ 500 mètres de long et 417 mètres de large. La propriété exploitée par la famille Vermughen comprenait un bâtiment d’habitation datant de 1860, une porcherie, une étable, un poulailler, une bergerie, une grange, un hangar, une remise et un pressoir à pommes. 

Restaurée en 1941, elle était la propriété de la Société Leplat et Fils, une filature basée à Tourcoing dans le Nord. De nuit, l’ensemble imposant pouvait être pris pour un point fortifié allemand.

Les marais de Varaville, où se situent une grande partie des terres de la ferme, ont été inondés par les Allemands pour gêner une éventuelle opération aéroportée. 

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les parachutistes du 1er bataillon canadien, du 9e bataillon, du Q.G. de la 3e brigade, toutes ces unités faisant partie de la 6e Airborne britannique doivent se poser sur la Landing zone V à proximité de Varaville et ceux de la 5ème Brigade, 7th, 12th et 13th bataillon, sur la Landing Zone N dans la plaine de Ranville. 

Cabourg, avec son plan d’urbanisme en amphithéâtre, a une forme reconnaissable vue du ciel propice aux largages. Cependant, l’estuaire de la Dives, avec son canal ressemblant à celui de l’Orne, le temps nuageux et la défense aérienne allemande, rendent les largages difficiles. De nombreux parachutistes n’atteignent pas le bon endroit et se perdent dans les marais.

Ceux-ci ne parviendront pas tous, ou alors longtemps après, à rejoindre leur unité et les lignes anglaises. Frederick Glover du 9e bataillon, qui devait s’emparer de la batterie de Merville, est l’un d’entre eux. Blessé, il sera capturé par les Allemands. Le nombre de soldats tués au combat, ou perdus dans le pays d’Auge et les marais de la Dives est important. 

Malgré les inondations, les marais de la Dives n’ont pas été évacués et les paras perdus rencontrent régulièrement des habitants. Selon Madame Vermughen, 37 parachutistes alliés ont été secourus et abrités à la Bergerie par la famille Vermughen. Une liste de 25 noms a pu être établie sur la base des témoignages et des rapports d’évasion anglais.

Les premiers naufragés des marais se présentent à la ferme en fin de journée le 6 juin. Il s’agit d’un groupe de 4 soldats du 9e bataillon, celui de Frederick Glover. Parmi eux, Terry Jeep et David Duce qui sera l’un des derniers à quitter la ferme. Dans les jours qui suivent, d’autres groupes se retrouvent à la ferme, soit parce que leurs pas les guident vers cette habitation isolée, soit guidés par le vacher, Georges Duval, comme Douglas Baines. D’autres sont cachés par des résistants. Le 4 juillet dans la soirée, le dernier groupe quitte la ferme.

L’arrivée des Allemands

Le 5 juillet, à l’aube, une cinquantaine de soldats allemands investissent la ferme de la Bergerie. Une série d’arrestations dans les milieux résistants a eu lieu les jours précédents à Dives-sur-Mer sur la base de dénonciations. 

Les soldats allemands cherchent des parachutistes alliés et arrêtent ceux qui les ont aidés. Ils n’en trouvent pas sur place. Les derniers ont quitté la ferme la veille. Selon la tradition orale, les Allemands auraient trouvé des paquets de tabac et des mégots de cigarette anglais. Monsieur et Madame Vermughen sont arrêtés. À Cabourg, Maurice Duval, marchand de charbon, et les frères Wander sont également arrêtés. Tous sont emmenés à Glanville où ils sont torturés puis emprisonnés à Pont-l’Evêque. Le 9 juillet, les hommes sont transférés à Argences. Les femmes, qui les voient partir, sont libérées le lendemain. Les hommes ne seront jamais revus vivants. La ferme de la Bergerie est brûlée, le puits comblé et des sentinelles postées à proximité.

Mort pour la France

La dépouille de Monsieur Vermughen sera retrouvée le 15 novembre 1946, dans un charnier à Saint-Pierre-du-Jonquet. Sur les 28 corps découverts en septembre 1944 et novembre 1946, seulement 17 corps ont pu être identifiés. 

Après la guerre à Cabourg, la mémoire de Monsieur Vermughen a été contestée. De nombreuses rumeurs et accusations ont couru. Il aurait rejoint la résistance sur le tard ou se serait livré au marché noir. Hormis la tradition orale, nous n’avons pas trouvé de faits qui vont dans ce sens ou qui font que l’attitude de Monsieur Vermughen pendant la guerre se démarque plus que celle de la population cabourgeaise ou du marais. 

Un héros, dans l’Antiquité, c’était un demi-dieu. Aujourd’hui, c’est quelqu’un qui se distingue par ses exploits militaires. Ce n’est pas à nous, collégiens, de juger si Adrien Vermughen était un héros. Nous constatons les faits : il a été torturé et assassiné par les nazis pour avoir protégé des parachutistes britanniques perdus. Il a reçu à titre posthume la médaille de la Résistance et la mention « Mort pour la France ». Les faits sont donc là : Adrien Vermughen s’est opposé à la barbarie nazie et l’a payé de sa vie. Son engagement pour aider les paras perdus en fait, aux yeux de Douglas Baines, Terry Jeep et de Frederick Glover, un héros.

Les soldats alliés réfugiés à la ferme Vermughen

  • 7348426 Pte Terry JEPP, RAMC, 9th Para
  • 6216373 Cpl Douglas PENSTONE, 9th Para
  • 5249959 L/Cpl « Mitzi » GREEN, 9th Para
  • 14219231 Pte David DUCE, 9th Para
  • 56880156 Sgt Ernest A. LUCAS MM, 7th Para
  • 4069248 L/Cpl W.J. PRICE, 7th Para
  • 4469029 Pte W. PEACOCK ,7th Para
  • 1410181 Pte F. DUFFIN,7th Para
  • 11260376 Pte G. LEWIS ,7th Para
  • 438699 Cpl G. WANLEY, 12th Para
  • 13254872 Pte A. HALE, 12th Para
  • 14574094 Pte John WEATHERS, 12th Para
  • 14533207 Pte D. BAINES, 12th Para
  • J25141 F/O William Horace RHODES, 403 Squadron RCAF
  • B126264 Pte Hector P. SYLVESTRE, 1st Canadian Para Bat.
  • B146226 Pte W. ROMANKO, 1st Canadian Para Bat.,
  • B68930 Pte H. G. BARRIER, 1st Canadian Para Bat.,
  • C102022 Pte A. HUTON, 1st Canadian Para Bat.
  • A104676 Pte J.S. SINCLAIR, 1st Canadian Para Bat.
  • 97003345 Pte Roland CRACKNELL, 224 Field Para Ambulance, RAMC, attached 9th Para
  • 14275969, Dvr F. JACKLIN, 591 Antrim Para Squadron
  • 4341395 Pte John Chapman SHEPHERD, 12th Para
  • 2028494 Pte Thomas CLIFFE, 12th Para
  • 4399212 Pte J.G. CURRY, 12th Para
  • 7963010 Pte E. WILLIAMS, 12th Para

Texte réalisé par : Luis, Tom, Iris, Clarisse, Hannah, Joséphine, Pétronille, Neela, Louison, Inès M, Manon et Héloïse. Texte corrigé et enrichi : M. Macé.

SOURCES

  • Dossiers consultés aux Archives Départementales du Calvados
    (dommages de guerre, arrestations)
  • Charles AITKENHEAD, Ludovic LOUIS, Michael PINE-COFFIN
  • Book : Roland GANT (CRACKNELL), How like a Wilderness
  • IWM Sound Archives : T. Jepp; J.Weathers
  • The National Archives : WO208 series, WO361 series
  • SHD Caen par Christine Le Callonec « Un fleuve pour la liberté, la Dives ».
  • Liste des soldats : Ludovic LOUIS
Adrien Vermughen
Yvonne Vermughen